Par Thierno Mamadou BAH, Djibril Tamsir NIANE EDITIONS : SEAC 1998
ORIGINE DU PEUPLE FOULAH
Les historiens et les chercheurs ethnologues qui ont poussé leurs investigations sont dans leur majorité que le peuple foulah est d’origine sémitique. L’un de ces éminents ethnologues, Edmond Morel, Directeur de la West Africa Meil de Londres, dans son livre « Problème de l’Ouest Africa » soutient que, vers l’an 2000 avant J.C., l’Egypte alors sous la dynastie thébaine, fut envahie par des hordes nombreuses d’Asiatiques, amenant avec eux leurs troupeaux de bœufs et de moutons. Ces nombreuses tribus belliqueuses et avides de conquêtes afin de trouver des terres pour élever leurs troupeaux, leur richesse unique, se précipitèrent sur la vallée du Nil.
Connues sous le nom de ‘’Hycsos ou roi pasteurs’’, elles engagèrent une lutte sanglante et réussirent à s’établir définitivement dans la Basse-Egypte et, peu à peu étendirent leur domination sur la Haute-Egypte dont, néanmoins, elles ne purent se rendre complètement maitres. Leur suprématie dura environ cinq siècles.
A la recherche des terres nouvelles, pour l’élevage de leur bétail, elles se dispersèrent dans le pays, les unes suivant le Nil en se rendant vers le Sud, les autres s’enfonçant dans les régions de l’Ouest. Pendant leur séjour en Basse-Egypte, elles s’étaient unies aux autochtones et avaient contracté des mariages avec eux. Ces liens de famille les attachaient donc à l’Afrique et elles en étaient devenues les enfants adoptifs.
En même temps qu’elles pratiquaient l’élevage, elles cultivaient les terres d’où leur appellation de ‘’Fellah’’ qui a donné naissance au mot ‘’Foulah’’.
L’arrivée de ces Hycsos dans la Basse-Egypte fut, d’après ce même auteur, approximativement contemporaine de l’émigration juive qui eut lieu, sous l’invitation du souverain de l’Egypte dont le Prophète Joseph fut l’intendant.
Les Juifs occupèrent la partie Est de l’Etat
Avec les Hycsos, qui sont comme eux, d’origine asiatique, ils n’hésitèrent pas à prendre contact et eurent, entre eux, des relations matrimoniales soutenues.
A l’effondrement de la dynastie des Pharaons, au temps du Prophète Moise les Juifs ne tardèrent pas à rejoindre les Hycsos dans leur nouveau refuge, pour continuer avec eux la poursuite du chemin à la recherche des pâturages.
Ainsi, les deux races qui se sont rencontrées dans le malheur formèrent-elles la même famille. Suivant la thèse européenne, c’est cette famille qui forma le peuple Foulah lequel, pendant des siècles ne put se fixer sur un point définitif.
D’après la thèse africaine, rapportée par Thierno Aliou Bouba n’Diang, dans son ‘’Récit d’Histoire du Foutah-Dialo’’ écrit en 1915, c’est dès l’an 42 (622) de l’Hégire que l’Islam fait son apparition en Egypte et, comme nous le dit Thierno Aliou Bouba n’Diang, dans son ouvrage, le deuxième Khalif Saidina Oumar Boun Khattab chargea son représentant, en Egypte, Amrou Boun Ass, d’étendre la nouvelle religion dans tout le pays. Ce fonctionnaire s’acquitta de cette mission avec doigté. Il arriva même de poursuivre les Egyptiens pasteurs-nomades dans le désert. Le chef de cette tribu le reçut avec considération. Dès qu’il lui exposa l’objet de sa visite, tous ses sujets répondirent avec enthousiasme et embrassèrent l’Islam.
Amrou Boun Ass resta avec eux pendant un certain temps pour leur enseigner les principes fondamentaux de la religion. Quand il décida de leur prendre congé, le roi lui demanda de lui laisser un maitre pour poursuivre l’enseignement à ses administrés. Son compagnon Ougbatou Boun Yassir était tout désigné. Celui-ci s’acquitta consciencieusement de sa tâche et l’orsqu’il conquit l’estime et la confiance du peuple, le roi lui accorda, en récompense, la main de sa fille en mariage. Cette heureuse union occasionna la naissance de quatre garçons.
Le premier, nommé Rou’ouroubou ou Ou’ouroubou, fut le père des Ourourbés ;
Le deuxième, Wouyé, fut le père des Férobbés ;
Le troisième, Bodhéwal, fut le père des Dialloubés et
Le quatrième, Da’atou, fut le père des Dayébés.
Ce sont les descendants de ces quatre garçons qui formèrent le peuple Foulah.
Des deux thèses qui précèdent, il ressort que les Foulah sont d’origine sémitique, nés d’un arabe venu du Hadjaz et d’une mère descendante d’un père pasteur (Hycsos).
Et Edmond D. Morel de conclure : ‘’Les Foulah, au nez aquilaire, au cheveux plats, aux lèvres relativement minces, à la taille élancée, au teint cuivré ou bronzé, au crane développé, aux extrémités fines ; la femme foulah à la peau claire, aux seins arrondis, aux grands yeux, aux sourcils teints à l’antimoine, aux mouvements gracieux, aux formes élégantes dont toute la personne est remplie de charme et d’attrait, sont des Asiatique. Ils sont les descendants directs des Hycsos qui ont émigré vers l’Ouest à la chute des pasteurs conquérants. Leurs coutumes conservent le souvenir de leurs ancêtres ayant subi l’influence du peuple d’Israël dont la présence dans le delta du Nil est contemporaine de la domination des Hycsos. Leur arrivée en Afrique remonte, au moins, à deux mille cinq cents ans.
ORIGINE DU NOM DE CE PEUPLE
Comment ce peuple a-t-il été désigné sous divers noms : Foulah-Peuhl, Poullo ou Pouli ?
L’hypothèse la plus rependue est celle qui dit que ces pasteurs ne sont pas venus d’Asie avec les appellations susmentionnées. Mais ayant occupé dans la Basse-Egypte, les vallées fertiles du Nil où ils pratiquèrent l’agriculture en même temps que l’élevage, ils reçurent le nom de ‘’Fellah’’ qui signifie en arabe, paysan, cultivateur. Les mots Foullah et Peulh sont une déformation de ce mot ‘’Fellah’’.
Poulli est le nom donnée aux premiers Foulahs émigrés dans le Fout-Dialo
Les multiples noms donnés aux Foulahs sont utilisés suivant les régions. Le mot Peuhl qui est Ouolof est plus rependu en Afrique Occidentale et il y est officiel. En Guinée, le mot Foulah est Malinké et est plus usité. Dans le Fouta-Dialo, c’est Poullo et Pouli qui sont courants. Cependant, Pouli tend à disparaitre avec la minorité arriérée à laquelle il est attribué. Cette minorité vit généralement dans les confins du pays.
LE DEUXIÈME CONGRÉS DU FOUTAH-DIALO À TIMBI TOUNNI
Lorsque les musulmans parvinrent à éliminer les Djallonkés fétichistes du pays et à assoir la religion musulmane, le Fouta se trouvait divisé en huit provinces dirigées chacune par un marabout combattant. Ces provinces étaient les suivantes :
- Timbo : avec Alfa Ibrahima Sambégou en tête
- Timbi-Tounni : avec Thierno Souleymane en tête
- Kébaali : avec Alfa Moussa en tête
- Koin : avec Thierno Saliou Balla en tête
- Kolladhé : avec Alfa Amadou en tête
- Bouria : avec Thierno Samba en tête
- Fougoumba : avec Alfa Mamadou Sadio en tête
- Labé : avec Alfa Mamadou Cellou en tête
En 1743, Alfa Ibrahima Sambégou provoqua un deuxième congrès qui se réunit à Timbi-Tounni chez le doyen des Karamokobés. Tous les marabouts combattants y répondirent.
Ce congrès avait pour Ordre du Jour :
- Le compte-rendu des résultats de la guerre sainte organisée dans chaque province;
- L’organisation politique et administrative du pays;
- La désignation des chefs de provinces;
- Le choix d’un chef suprême du Fouta-Dialo.
Après l’exposé chaque marabout, les membres du Congrès se rendirent compte que les Foulahs étaient devenus les maitres du pays. Constatant qu’une unification du pays sous un seul commandement serait irréalisable, en raison son étendue, le congrès décida la division du Foutah en neuf provinces ou diwés avec la nouvelle création du Fodé-Hadji. Ce diwal, situé à l’est de Timbo, au-delà du fleuve Bafing, est une région peuplé de Malinkés musulmans et de quelques Foulahs.
Chaque marabout combattant fut nommé chef de la province qu’il pacifia
Pour le poste de chef suprême, aucune candidature ne se manifesta ouvertement. Alfa Mamadou Cellou du Labé suscita celle de Alfa Ibrahima Sambégou qui, en raison de son activité pour la cause de l’Islam, lui semblait plus capable.
Voici comment il procéda pour parvenir à son élection
Avant la réunion de l’Assemblée, Alfa Mamadou Cellou demanda au doyen Thierno Souleymane d’organiser un hémicycle en réservant au centre une place spéciale. Il suggéra discrètement à Alfa Ibrahima Sambégou d’arriver le dernier sur le lieu de réunion. Quand tous les marabouts prirent place dans l’hémicycle, Alfa Ibrahima Sambégou arriva et aussitôt Alfa Mamadou Cellou l’invita à prendre la place du centre, la seule qui restait inoccupée. D’emblée, il fut considéré comme l’élu du Congrès. Ainsi, après les discussions sur les divers points de l’ordre du jour, son élection comme Chef Suprême du Fouta se déroule sans objection. Il fut appelé Karamoko Alfa.
Dès leur nomination, chaque chef fut autorisé à choisir le titre qui lui convient
Ceux de Bouria, de Timbi-Tounni et de Koin prirent le titre de THIERNO, ceux de Labé, de Fougoumba, de Kébali et de Kolladé choisirent le titre de d’ALFA. Le Fodé-Hadji était en réalité une annexe de Timbo fut confié provisoirement à Ibrahima Sory cousin d’Alfa Ibrahima Sambégou.
Les membres du Congrès se rendirent immédiatement à Fougoumba pour la consécration du Chef suprême
Le couronnement se déroula dans la cour de la mosquée de cette ville. Alfa Mamadou Sadio chef du diwal fut chargé de ce travail. Chaque diwal fournit un turban blanc en bande de coton, long de quatre coudées. Il ceignit autour de la tête de Karamoko Alfa les neuf turbans en commençant par celui de Timbo.
Après avoir mis le dernier turban, Alfa Mamadou Sadio fit la déclaration suivante : ‘’Par la volonté de Dieu, le Très Haut, l’Unique dont Mouhamed est le Prophète, nous te nommons et sacrons chef suprême du Fouta-Dialo, composé de neuf diwés. Nous te devons tous respect, obéissance, nous, nos familles et les habitants. Ces turbans sont les symboles du commandement qui t’es confié’’.
Karamoko Alfa fit alors asseoir tous les marabouts devant lui et à tour de rôle, ceigna la tête de chacun d’eux d’un turban de même genre. Quand il eut fini, il déclara : ‘’Au nom de Dieu et par Sa Volonté, je te fais Alfa du diwal de….Tout le monde devra t’obéir, te respecter et te considérer comme son maitre’’.
Aussitôt après le couronnement des chefs de diwés, l’assemblée adopta une constitution respectant, non seulement les prescriptions du Coran, mais aussi les Hadiths et les coutumes Foulahs dans tout ce qu’elles n’ont de contraire à l’Islam.
Dans cette constitution, le Foutah-Dialo fut déclaré Etat Souverain et Indépendant, composé de neuf diwés : Timbo, Fougoumba, Bouria, Kébali, Kolladhé, Koïn, Labé, Fodé-Hadji et Timbi-Tounni, sous l’autorité d’un Chef Suprême appelé Almamy, assisté d’un Conseil des Anciens. Chaque diwal fut reconnu Autonome.
Le Congrès, instance suprême de l’Etat dont le siège fut fixé à Fougoumba élit l’Almamy à vie et le sacre à Fougoumba. L’Almamy nomme les Chefs de ‘’Diwés’’.
La Guerre sainte est déclarée par le congrès, sur proposition de l’Almamy qui agit en accord avec le Conseil des Anciens. Elle est faite par l’ensemble des diwés sous le commandement du Chef Suprême. L’effort de guerre incombe en commun à toute la population.
MODE D’ELECTION ET DE COURONNEMENT DE L’ALMAMY DU FOUTAH
Dès la disparition d’un Almamy du Fouta, les candidats à sa succession présenteront leurs candidatures au Grand Conseil, pour investiture. Ce Conseil comprenait notamment.
Le candidat retenu par ce Conseil se rend ensuite à Bouria où il est reçu officiellement par le Chef de diwal et son conseil provincial, pour agrément. Cette autorité lui fournir un sceptre de deux mètres environ et un pagne blanc pour le couronnement à Fougoumba.
C’est aussitôt après que l’Almamy sera accompagné à Bouria où il passera neuf jours de ‘’retraite du commandement’’. Au cours de cette période, il lui sera retiré chaque jour un turban. Le neuvième jour, il lui restera le turban de Timbo qu’il devra garder.
Pendant cette période de retraite, les notables devront déverser sur le sol de sa case, toutes les qualités de grains récoltés dans le pays : riz, fonio, maïs, arachides etc. en signe de souhait de prospérité à l’Almamy et aux régions.
PREROGATIVES ACCORDÉES AUX CHEFS DES DIWÉS
L’Almamy cumule ses fonctions suprêmes avec celles de Chef de diwal de Timbo. Dans ce diwal, il agit comme les autres chefs dans leurs provinces en tant que représentant du pouvoir central.
En ce qui concerne la justice, l’enseignement et les autres domaines de l’Etat, toutes initiatives furent laissées à chaque chef pour agir dans le cadre fixé par le Coran et les Hadths.
Le chef de Fougoumba, en tant que premier président du premier congrès du Fouta-Fouta eut le droit de prendre place sur la même peau que l’Almamy, président une réunion.
L’Alfa mo Labé fut autorisé à exécuter tout malfaiteur condamné à mort par les juridictions criminelles. Cette autorisation lui fut accordée en raison de l’importance de son territoire.
Le chef de Timbi, qui avait aussi présidé le deuxième congrès du Fouta-Dialo fut autorisé à porter son turban en présence de l’Almamy.
Le chef de Kolladhé eut le rôle d’étudier les demandes de grâce formulées par les meurtriers qui se rendaient spontanément à Kankalabé. Son avis était prépondérant.
Pour obtenir la grâce, le meurtrier doit, en arrivant à Kankalabé, signaler sa présence en lançant l’appel du muezzin sur un fromager qui y existe de nos jours.
LA VIE SOCIALE
Après l’adoption de la constitution, la société foulah fut hiérarchisée. A l’intérieur des quatre grandes familles : BAH, DIALLO, SOW et BARI dont chacune formait un gorol.
Le Soudou (case) comprend les individus ayant eu le même ancêtre depuis deux ou trois siècles. Le Dambougal (porte) est formé des descendants d’un même ancêtre depuis une génération seulement.
Les rangs sociaux furent les suivants :
- Les Rymbhés comprennent tous les Foulahs libres et musulmans.
- Les Niénioubhés, formés de Lawbhés (ouvriers en bois), des Waylouhés (ouvriers à fer), des Sagnobhés (tisserands), des Garankèbhés).
- Les Matchoubhés, (captifs) ou Hâbhés, d’origine divers qui sont les individus vaincus au cours des guerres ou achetés dans les pays voisins.
La classe des Rymbhés se fractionne comme suit
- L’Almamy et sa famille
- Les lambhés qui sont les chefs de provinces, de villages et de groupement.
- Les Hôrébhés qui sont les ministres et les conseillers des Almamy.
- Les Mawbhés qui couvrent l’ensemble des notables, des marabouts et des personnalités du pays.
- Les Lâmâbhés qui sont les administrés et la masse des habitants.
- Les Bhalébhés ou Hobbhés qui forment la masse des étrangers
Dès l’occupation française, la question de l’esclavage se posa avec acquité. Sa suppression ayant été décidée, un malaise plana sur le Fouta-Dialo. La vie économique fut fortement perturbée. Des familles entières de Foulahs, de Toucouleurs, de Diakankés, de Sarakolés furent réduites à la misère.
Les libérés eux-mêmes malgré leur joie d’être indépendants se sentirent abandonnés. Illettrés et non islamisés, leur situation sociale ne changea pas. Au contraire des charges nouvelles qu’ils ignoraient jusque-là instituées par le libérateur leur incombèrent. L’impôt de capitation, le travail forcé dans les chantiers administratifs, les fournitures de toutes sortes, le transport des hamacs des blancs en voyage, etc. furent leurs parts dans la répartition des charges imposées par le colonisateur.
En ce qui concerne la vie de la femme foulah, elle fut condamnée à subir une discrimination spectaculaire. Son rôle dans la société fut celui de mère et de gardienne de foyer.
Contrairement à la femme, la jeunesse resta libre. Les parents avaient, bien sûr, la charge de son éducation. A partir de sept ans, l’enfant est renvoyé à un marabout qui lui à lire et à écrire le Coran.
L’ENSEIGNEMENT
Le congrès rendit l’enseignement obligatoire pour tous les musulmans. Les enfants de deux sexes entrent à l’école à l’âge de sept ans.
Dès que l’enfant finit la simple lecture du Coran qui est le premier livre à étudier, les parents payent au maitre un bovin ou sa valeur, pour prix de l’enseignement dispensé.
Malgré ces difficultés, les résultats positifs enregistrés permirent au bout de quelques années, de classer le Fouta parmi les pays les plus religieux.
Lorsque le Grand Marabout, Aladji Oumarou, traversa le pays en 1845, il ne put s’empêcher de déclarer : ‘’J’ai rencontré 313 marabouts dont trois cents me sont inférieurs, dix sont mes égaux et trois me sont supérieurs’’.
L’INFORMATION
Trois modes de diffusion furent adoptés.
- La palabre dans la cour des mosquées ou toute autre place publique où l’informateur peut tenir une séance de causerie.
- La tabala (tambour). Par la tabala, les nouvelles sont propagées par la frappe :
-
- 9 frappes rauques annoncent le décès d’un chef ;
- 7 frappes indiquent le décès d’un marabout ou d’un notable influent ;
- 3 frappes concernent celui d’un notable.
Le retentissement prolongé et rapide de ces frappes annonce un évènement fâcheux ou la convocation d’une réunion urgente.
Le retentissement prolongé et lent annonce un évènement heureux ou la réception d’un grand personnage.
Un évènement qui se passerait à Timbo était rapidement connu à Labé grâce à cet instrument. A Timbo, on frappe la Tabala, dès que son retentissement est perçu à Doubbel, le village suivant qui le retransmet à son tour à Sankarella puis ce dernier à Fougoumba et ainsi de suite à Kébali, à Miriré, à Bantignel, à Daralabé pour aboutir dans l’instant à Labé. Ainsi, dans l’espace d’une demi-heure environ la nouvelle pouvait parvenir au coin le plus reculé du territoire national et vice-versa.
- Le courrier rapide transporté de village en village par des coureurs.
- Le message verbal transmis suivant l’importance par un ou deux hommes.
LA JUSTICE
L’organisation judiciaire fut basée sur le Coran et les Hadiths.
Un marabout fut installé pour rendre la justice entre les citoyens.
Le barème des peines étaient le suivant :
Assassinat : peine capitale
Meurtre involontaire : mise aux fers ou dommages et intérêts sur consentement des parents de la victime.
Coups et blessures : loi du talion
Vol : ablation du poignet ou de l’avant-bras gauche.
DEFINITION DE L’ETAT DE GUERRE
Jusqu’à la convocation du 2ième congrès, chaque marabout agissait dans sa circonscription dans le cadre du combat commun contre le fétichisme.
Il y a deux sortes de guerres, celle qui est officiellement déclarée et dans laquelle, l’Almamy commande en personne l’armée. Dans ce cas le congrès de Fougoumba est convoqué et un appel général est lancé à tous les hommes en état de porter les armes.
En cas de défaite avec l’armée ennemie, les guerriers de Timbo et de Labé assurent l’arrière-garde.
Il y a ensuite la deuxième guerre qui est une expédition non officiellement déclarée par le congrès, mais seulement commandée par le chef de diwal, sur autorisation de l’Almamy (p. 29).
LE FOUTAH APRÈS LE DEUXIÈME CONGRÉS
A Timbo : Karamoko Alfa à son retour à Timbo, eut comme première tâche, la confirmation des marabouts comme chefs des diwés.
LA DELIMITATION DES DIWÉS PAR LES CHEFS
Pour parvenir à une juste limite, les chefs convinrent de quitter chacun sa capitale à l’aube et de marcher vers la province voisine. Le point de rencontre devait servir de départ pour la ligne de démarcation entre les deux diwés.
Le chef de Kolladhé trahissant cette convention, partit de Kankalabé la veille, à l’aube il était dans la banlieue de Labé. Alfa Mamadou Cellou l’obligea à rebrousser chemin jusqu’à la rivière Dombélé, à environ dix kilomètres de Labé. La limite entre les deux provinces y fut fixée.
Le chef du Labé voulut sur Timbi-Tounni. A la date fixée, il quitta son domicile la veille, à l’instar de Kankalabé et avant l’aube, il était dans la ville de Timbi-Tounni. Il fut obligé de faire demi-tour jusqu’au village de Pellel-Bantan où la limite fut fixé d’un commun accord.
DERANGEMENT MENTAL DE KARAMOKO ALFA
En 1763, Karamoko Alfa de conduire une guerre contre les fétichistes habitant la rive du Dialiba (Niger). C’était sa vingtième expédition.
Son armée forte de plusieurs milliers de combattants quitta Timbo et atteignit Dialiba dans de bonnes conditions. Une première traversa le fleuve et campa de l’autre côté pour attendre l’arrivée du chef suprême. Karamoko Alfa, malheureusement celui-ci fut atteint, pendant la traversée, d’un dérangement mental et perdit connaissance. Cet incident obligea l’armée à rebrousser chemin, Karamoko Alfa fut reconduit à Timbo.
Dans l’attente de la guérison du malade, la direction du pays fut confiée à Ibrahima Sory, cousin de Karamoko Alfa. On chercha longtemps un guérisseur pour soigner Karamoko Alfa. La maladie empira et pendant quatre ans, le Fouta resta dans l’attente. Karamoko Alfa mourut sans reprendre connaissance.
LA SUCCESSION DES ALMAMY ET DES CHEFS DIWÉS APRES KARAMOKO ALFA MO LABE
SECTION 1 : Almamy Ibrahima Sory Maoudo (2ème Almamy)
Karamoko Alfa mourut vers 1776 et immédiatement après le Conseil des anciens convoquèrent un congrès à Fougoumba pour procéder à l’élection d’un remplaçant du défunt.
Alfa Saliou était l’héritier tout désigné, étant le premier fils de Karamoko Alfa. Mais très jeune, sa candidature fut écartée car il ne pouvait assurer une fonction aussi importante.
Le candidat favori était donc Ibrahima Sory Maoudho qui avait, non seulement assuré l’intérim pendant trois ans, mais avait été, pendant le règne de Karamoko Alfa, un adjoint dévoué et jouissant d’un grand prestige. Il garda le trône pendant onze ans au cours desquels il organisa 20 (vingt) bataille victorieuses.
En 1787, une majorité se dégagea au sein du conseil des anciens pour Alfa Saliou comme il était majeur et il prit place comme troisième Almamy du Fouta. Raisonnable et très intelligent, Almamy Ibrahima Sory Maoudo se plia devant la décision du conseil des anciens et céda le pouvoir au nouvel Almamy. Mais le Conseil des Anciens ne tarda pas à le rappeler d’urgence pour occuper la fonction devant l’incapacité d’Alfa Saliou de défendre le pays. Il avait fui avec sa troupe pour se réfugier à Bantighel.
A la suite de cette élection, une règle additive à la Constitution fut adoptée stipulant que le pouvoir sera désormais exercé alternativement, par les descendants de Karamoko Alfa et les descendants de d’Ibrahima Sory Maoudho, chacun d’eux prenant la direction du pays au décès ou à la disparition de l’autre.
Cette décision était un frein au pouvoir absolu des Almamy et à leur puissance excessive.
D’emblée, deux partis politiques étaient ainsi créés, le parti Alfaya et le parti Soriya.
Cette alternance ne manqua pas de créer la haine et la jalousie entre les deux fractions.
Le conseil décida en même temps que cette alternance au pouvoir sera appliquée aux diwés dans les mêmes conditions. Elle occasionna les conséquences les plus néfastes. Depuis cette date, les chefs de provinces ne vivaient plus qu’en rivaux.
En raison de leur importance politique, c’est dans les régions de Timbo et de Labé que cette dualité du pouvoir causa les effets les plus néfastes.
C’était Timbo le siège du gouvernement central. Le Labé était le gros lot des potentialités dont le bénéfice était âprement convoité par les candidats au pouvoir.
En 1791, Almamy Ibrahima Sory Maoudho mourut à Labé, son premier fils Sadou usurpa immédiatement le trône au détriment d’Alfa Saliou. Celui-ci engagea une opposition systématique contre cette usurpation. Ce n’est qu’en 1796 qu’Alfa Saliou y parvint. Il assassinat Almamy Sadou dans des conditions qu’il critiqua lui-même. Dégouté par cette vie politique qui le poussa à commettre un crime odieux malgré lui, il jura qu’il abandonnait le pouvoir à jamais et se retira définitivement à Dara.
DECES D’ALFA MAMADOU CELLOU DIT KARAMOKO ALFA MO LABE
Atteint d’une maladie incurable, il s’était rendu auprès de son fils à Sigon, dans le Yambéring pour se soigner. La maladie s’aggravant malgré les soins dispensés, le Conseil des Anciens de Labé décida de le faire évacuer sur Labé et dépêcha auprès de leur gendre Mama Doulla, celui-ci ayant l’appréhension que Thierno mo Sigon s’opposera certainement à cette évacuation, dit à ce dernier en arrivant chez-lui, ‘’ je suis venu te soutenir dans les efforts pour la guérison de ton papa. J’ai l’adresse d’un guérisseur qui réside Guérésoki, dans le Tangué’’.
Encouragé par cette nouvelle, Thierno mo Sigon prit le chemin de ce village. Il était à peine à quelques kilomètres, lorsque Mama Doulla recruta des porteurs pour transporter, en hamac, Alfa Mamadou Cellou qui, malheureusement, mourut à Sarékali, en chemin. Le corps arriva à Labé le lendemain et fut enseveli dans sa concession près de la mosquée.
Après l’assassinat d’Almamy Sadou, le fossé qui séparait les deux partis Sorya et Alfaya s’élargit davantage. La haine et l’inimité s’installèrent dans les cœurs des Seydiyankés qui, pour le pouvoir, se combattirent avec acharnement. Chaque parti recruta des soldats parmi les esclaves capturés au cours des guerres. Les armes et les munitions, achetées à l’étranger pour supprimer les infidèles leur servirent à s’entretuer.
A partir de cette date, la constitution ne fut plus respectée et le pouvoir revint au plus fort.
ALMAMY OUMAROU (10EME ALMAMY)
Après la mort de son père Almamy Abdoul Gadiri en 1821, Oumarou fut obligé d’émigrer du pays pour échapper aux intrigues des partis.
Par suite de la réconciliation intervenue dans le Fouta en 1844 entre les deux partis Alfaya et Sorya sur l’alternance du pouvoir, le parti Sorya convoqua Oumarou et l’invita à rentrer à Timbo pour prendre possession de la grande fortune laissée par son père.
En 1845, le Parti Sorya devait désigner un remplaçant d’Almamy Yaya décédé au cours de l’année 1944. Oumarou fut le candidat favori et couronné.
En 1869-1970, pour refaire sa fortune fortement ébranlée, Almamy Oumarou décida d’attaquer le roi Dianké-Waly de Tourouban, dans le N’Gabou.
Almamy Oumarou arrêta donc son plan de guerre et demanda à Alfa Ibrahima, roi de Labé, de prendre la direction de l’expédition.
Celui-ci convoqua les trois marabouts les plus éminents et les plus vénérés de Labé, pour leur demander leur avis. Tous conclurent à une victoire sur l’ennemi. L’un d’eux déclara, cependant : « Un seul parmi vous deux (Almamay et Alfa) reviendra. »
Mesurant le danger que le Fouta affrontait en attaquant ce roi, l’Almamy n’accepta dans ses troupes que les vaillants guerriers du Pays.
Le premier choc fut très meurtrier. Sous le commandement d’Alfa Ibrahima, les troupes d’un seul élan mirent l’armée ennemie en déroute. Les combattants Foulahs grimpèrent les murs avec des échelles en bois.
Dianké-Wali, abandonné, sentit la mort le guetter. Le Kélémença Modi Aliou Tindima s’approcha de lui, lui envoya une balle dans la tête qui le terrassa mort. La bataille était gagnée.
L’EVOLUTION DE L’ISLAM DEPUIS L’INVASION DU FOUTA JUSQU’A LA FIN DU GEGNE DE ALMAMY IBRAHIMA SORY MAOUDHO
Nous avons donné un aperçu sur l’installation de l’Islam dans le Fouta par les neufs Karamokobhé.
Nous allons voir maintenant son développement jusqu’à la fin de règne d’Almamy Ibrahima Sory Maoudho qui fut un grand leader musulman.
LA RELIGION :
Le Foula s’est converti très tôt à l’Islam en acceptant toutes ses conditions et ses exigences.
LA LANGUE : Dès les premiers temps de l’invasion, plusieurs Foulas se rendirent dans le Boundou, le Fouta Toro ou en Mauritanie pour se former dans la langue arabe. Ils revinrent avec un bagage culturel assez solide. Grace à eux des écoles furent créées.
ALHADJI OUMAR DANS LE FOUTAH
C’est sous le règne de Almamy Oumarou que le grand grand conquérant Alhadji Oumar arriva dans le Foutah.
Il avait décidé d’émigrer de son pays natal dès son retour du Pèlerinage aux lieux saints de l’Islam. Les autorités du Fouta-Toro avaient manifesté une grande hostilité à son endroit à cause de sa grande influence politique.
Alhadji atteignit le Fouta-Djalo en 1844. Il pénétra par le Labé ou son séjour dura 4 ans. L’Aalfa mo Labé hébergea le vénérable hôte à Satina, village situé à quelques kilomètres de la ville de Labé.
Après un séjour de quatre ans dans le Labé, Aladji Oumar fit ses adieux au Chef du Labé pour se rendre à Timbo.
Après un repos de quelques jours au village Diolaké situé à kilomètres à l’ouest de Timbo, il fut reçu par l’Almamy Oumarou qui mit en application la recommandation de Thierno Samba Mombéya. Rentré dans la case du souverain, Aladji Oumarou lui lança : ‘’Tokora !’’. L’Almamy refusa de répondre. Il réitéra deux fois et l’Almamy lui dit d’une voix grave : ‘’Oo o ! Almamy ala tokora’’ (Non l’Almamy n’a pas d’homonyme).
Voulant prendre congé des autorités du Fouta, Alhadji Oumar sollicita de l’Almamy un coin de terre, à l’est de Timbo, pour fonder un village.
Dès que le jour du départ fut fixé, l’Almamy convoqua tous les grands marabouts du Foutah afin de donner à ce départ une solennité sympathique, car Aladji Oumar jouissait dans le pays d’une considération sans limite.
Devant une assistance très importante, Aladji Oumar prononça un discours d’adieu très éloquent. En terminant, il conclut :
Ka Ka Koun et se tut.
L’Almamy demanda aux marabouts de lui répondre. Comme de coutume, dans pareilles circonstances, la parole revint au Labé et ce fut Thierno Sadou mo Dalein qui eut l’honneur de répondre au partant. Il ne fut pas moins éloquent et conclut aussi en termes voilés : Da Da Doun.
L’assistance fut émerveillée. Les conclusions des deux discours restaient énigmatiques. Thierno Sadou put en donner le sens clairement.
Aladji Oumar disait en conclusion, qu’il avait constaté au cours de son séjour, que le Fouta ne comptait que :
Ka = Kâyhé (pierres) ; Ka = Kôyhé (Famine) ; Koun = Koldhan (manque de vêtement).
Thierno Sadou lui dit, au contraire, que le Fouta était un Pays où abondent :
Da = Dina (religion) ; Da = nDiyan (eau) ; Doun = Dimdhé (fruits)
ALMAMY SAMORY ET LE FOUTAH-DIALO
Pendant que le Fouta-Dialo évoluait dans les conditions que nous venons de voir, Samory fondait un empire très vaste à l’Est.
Samory heurtant aux troupes françaises qui avaient occupé le Soudan et cherchant à l’attaquer et prendre possession de son territoire, il dépêcha une ambassade auprès des Almamys du Fouta leur demandant leurs soutiens pour le combat contre l’ennemi commun, les païens blancs. Si les Almamy répondaient négativement à cette demande, il avait la décision de marcher sur leur royaume. Mais, ceux-ci, souscrivirent inconditionnellement à cette proposition.
En retour, les Almamys du Fouta proposèrent un traité d’amitié et de défense réciproque au grand conquérant qui y acquiesça, sans difficultés.
Ce traité conclu, Samory demanda aux Almamys de lui fournir des bœufs contre des esclaves et les invita à s’opposer à la France avec les forces vives du pays.
LA VIE ECONOMIQUE DEPUIS L’INVASION DU FOUTA PAR LES POULIS.
Nous avons vu que le Foula est né pasteur. Malgré son instabilité au cours des siècles de son émigration, il ne s’est jamais départi de son bétail qui lui fournissait ses moyens d’existence. Vivant du produit laitier, il consacra presque entièrement son temps à l’élevage.
Pour satisfaire ses besoins alimentaires, il proposa ses produits laitiers à son voisin qui lui fournit des grains. Un troc s’instaura entre eux, qui permit à chacun de satisfaire, sans difficulté ses besoins.
Par la guerre, les chefs, les marabouts et les notables influents accumulèrent des capitaux humains importants, des troupeaux, de bovins et des greniers très garnis.
LES GROUPEMENTS RELIGIEUX AU FOUTA-DIALO
Au moment de l’occupation française, trois groupements étaient installés dans le pays.
LE GADIRISME : Fondé par CHEICK ABDOUL GADIRI DIAYLANI, le Gadirisme est la voie la plus ancienne importée dans le Fouta.
LE CHAZELISME : On présume que c’est la fin du 18ème s que le CHAZELISME fut introduit au Fouta. Il consiste à faire entre autres : le jeûne, l’isolement, la prière en commun et le diarorè pratiqué dans la nuit du jeudi au vendredi.
LE TIDJANISME : Contrairement à ses devanciers, est une confrérie très simple, tolérante, libérale et facile.
Né à Aïna Madhi, en Algerie, il est mort et enseveli à Fez (Maroc) en 1721. Le Tidjanisme est à la portée de tous, hommes, femmes, pauvres, riches, libres et esclaves.
LA PENETRATION EUROPEENNE
C’est au cours de la deuxième moitié du 19ème siècle que la France débuta ses tentatives d’occupation du pays foulah.
A l’époque le Fouta était très étendu. A l’Ouest, tous les petits Etats soussous, Bagas, Nalou, Landouma payaient tributs aux Almamys. Au nord et au nord-ouest, le N’Gabou et les Etats Foulakoundas dépendaient du roi de Labé.
Mollien en 1815, René Caillé en 1827, Hecquard en 1851, Lambert en 1860 avaient effectué des voyages à Timbo où ils prirent contact avec les Almamys régnants.
La mission de l’Ambert comprenait en outre, une demande de ratification par les Almamys, de la cession de Boké à la France par le chef Nalou qui dépendait alors du Fouta.
Les Aalmays de Timbo avaient signé le 5 juillet 1881 avec Docteur Bayol un traité avec les Français puis une convention le 14 décembre 1891 avec De Beckmann.
En 1888, lors d’un deuxième voyage au Fouta, Sanderval obtint de l’Almamy et surtout du roi de Timbi Tierno Ibrahima, des concessions territoriales assez vastes (notamment) le territoire de Kahel, situé entre Bantiguel et Bourouwal Tappé. Sur autorisation de l’Almamy, Sanderval s’arrosa le titre de roi du Kahel. Il frappa monnaie portant son effigie.
A la suite du succès de Sanderval auprès de l’Almamy de Timbo qui lui accorda l’autorisation de construire un chemin de fer vers le Fouta, le ministre de la marine du Gouvernement de Paris chargea le docteur Bayol de se rendre au Fouta afin de tenter d’établir les droits de la France sur le pays.
L’ALMAMY BOUBACAR BIRO DIT BOCAR BIRO
Malgré l’intervention des anciens, Boubacar Biro refusa de se retirer au profit de son frère aîné (Mamadou Pâté), prétextant qu’un homme ne doit jamais abdiquer ses droits.
Sa maman, Néné Diariou, elle-même, s’opposa énergiquement à cette lutte fratricide. Elle supplia son fils en ces termes : ‘’ Fils, je t’en prie, abandonne à ton frère aîné le pouvoir’’.
Boubacar Biro excédé par ses prières, répondit à sa mère : ‘’ Mère, si tu n’avais pas travaillé pour papa afin que j’aie ses bénédictions, tu le payeras cette fois. Tu vois mon cou. Le pouvoir est là comme il peut être sur le coup de mon frère. Je le tuerai où il me tuera’’.
Une lutte acharnée s’ouvrit entre les deux frères. Mamadou Pâté était épaulé par tous les vieux.
Boubacar Biro était moins populaire, moins riche, très courageux, très brave, énergique et fort. Parmi les chefs de provinces, seul Alfa Ibrahima de Fougoumba, qui avait une grande estime pour lui, le soutien.
Devant cette discorde, les anciens de Bouria et de Timbo décidèrent de couronner Mamadou Pâté à Bouria avec le titre de Almamy, selon l’usage. Alpha Ibrahima, de son côté, couronna Boubacar Biro avec le titre d’Almamy du Fouta. Dès lors, il n’était plus possible d’éviter le combat entre les deux frères.
Dès qu’ils se sont rencontrés, Alfa Mamadou Pâté tira septes coups sur son adversaire (sans effets) Mamadou Pâté prit immédiatement la fuite. Il fut rattrapé et exécuté par le chef Sofa N’Galiba de Bocar Biro.
Mody Abdoulaye frère de l’Almamy et frère de lait de Mamadou Pâté assassiné par Bocar Biro accepta volontiers son couronnement à la place de Boubacar Biro, qu’il allait faire déposer.
Le premier février 1896 les deux armées s’affrontèrent à Pétel-Djiga et une bataille des plus acharnées s’engagea entre les Seydiyankés partisans de Almamy Abdoulaye et le camp de Bocar Biro.
ASSASSINA DE L’ALMAMY BOCAR BIRO
Malgré sa blessure grave l’Almamy tenta de rejoindre Nafaya dans le Tinkisso où il avait des nombreux guerriers. Arrivé à Botorè, Bocar Biro était très fatigué.
Pour activer les recherches, Modi Amadou frère d’Alfa Oumarou Bademba prit la route de Nafaya. Arrivé à Botorè, il apprit par le forgeron qui hébergeait l’Almamy que le fugitif était chez lui. Quand ses ennemis l’approchèrent Bocar Biro tira sur leur chef Modi Ahmadou. Celui commanda alors de le fusiller.
C’était le 18 Novembre 1896. Son corps fut transporté sous un bosquet et là, Modi Ahmadou lui coupa la tête qu’il expédia à De Beckmann à Timbo le 19 novembre, fut enterrée près de la tombe de Mody Sory, son premier fils, abattu à Porédaka par la colonne française.
L’OCCUPATION DEFINITIVE DU FOUTA-DIALO
Avec l’assassinat de l’Almamy Boubacar Biro et l’arrestation des suspects, la campagne de pénétration dans le Fouta était close. De Beckmann et ses amis prirent l’administration du pays en main.
ALFA IBRAHIMA FOUGOUMBA
Dès que l’Almamy Oumarou Bademba fut couronné comme Almamy Alfaya, le 10 novembre 1896, il couronna le même, à son tour, Alfa Ibrahima Fougoumba comme chef. Accusé de préparation d’une rébellion contre les français, il fut dénoncé au commandant français du poste de Ditinn dont il relevait.
Alfa Ibrahima est resté en prison avec plusieurs de ses fils. Traduit devant le tribunal de Ditinn, Alfa Ibrahima fut condamné à la peine de mort avec ses fils Modi Amadou Makka, Modi Abdoulaye et Modi Aliou. Tous quatre furent publiquement fusillés à Ditinn.
ALFA YAYA
Né vers 1850, à Kadé, Yaya eut comme maman la princesse Koumantyo, fille de Kôlinding, roi du n’Gabou. De par sa mère il était donc prince du n’Gabou. Jusqu’à l’âge de quinze ans il vécut loin de son père Alfa Ibrahima, car il fut élevé dans sa famille maternelle où il ne parle que le dialecte Tyédho. Il rejoignit plus tard son père pour apprendre le poular. Mais en raison des absences répétées de son père qui luttait contre les fétichistes, son instruction fut négligée.
Illettré, son sort inquiéta son père qui s’adressa à des marabouts éminents pour demander en sa faveur des bénédictions. Karamoko Goutoubou de Touba se chargea spécialement de lui.
NOMINATION D’ALFA YAYA COMME ROI DU LABE
A son retour à Kadé, il entreprit de préparer l’acquisition de la couronne de Labé. Il l’obtient la même année sur le choix de l’Almamy Bocar contre son frère Mody Mamadou Saliou Gadhaoundou.
Alfa Yaya fut un homme très généreux. Il arrivait souvent que des marchands des chevaux quittant Kayes ou le Boundou pour Labé avec des nombreux chevaux à son adresse. Il payait à ces vendeurs toutes les bêtes qui lui parvenaient à Labé ou à Kadé. Si certain mourraient en route, il en remboursait le prix afin d’éviter la perte à ses amis étrangers.
L’AFFAIRE DU WALI DE GOMBA
Marabout remarquablement instruit, Thierno Aliou choisit dès ses débuts, de s’éloigner du Fouta où estimait-il, les Almamys n’étaient que des potentats. Dans le Kinsan, province Soussou, située à la lisière du Fouta, il découvrit la vallée de Gomba arrosé par la rivière Kolintin qui lui convient parfaitement.
MORT DU WALI : Jugé par la Cour d’Assises, il fut condamné à mort le 23 septembre 1911. Mais, épuisé par l’âge, les émotions et les souffrances endurées pendant le voyage, il ne put être exécuté. On le laissa mourir le 5 avril 1912.
CONCLUSION
Dès le début de l’ère foulah dans ce pays, nos héros ont su implanter un Etat démocratique digne de toute nation civilisée et qui, pendant plus d’un siècle, a apporté à ses citoyens, la prospérité et l’aisance. Leurs héritiers ont emboité leur pas dans la religion, mais ont failli à leurs devoirs dans leur vie politique.
Grace à la baraka de ses saints, le Fouta-Djalo a pu, depuis l’occupation française, vaincre des obstacles, des difficultés et même remonter des pentes malheureuse étalées sur son chemin.
En tout état de cause, c’est par le mot baraka que nous allons conclure, en souhaitant que le Tout Puissant étende la Baraka de nos saints sur notre ouvrage afin qu’il soit utile à tous les esprits de bonne volonté et de progrès.