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Les foulbés du Mali et de leur culture, Par Ahmadou Hampaté Bah, Abbia, revue culturelle camerounaise, 1966

Les peulhs forment une des plus grandes communautés habitant l’Afrique au sud du Sahara. Produit d’un métissage entre sémite ou hamite et noirs. Ils se nomment eux-mêmes « fulbé » dont le singulier est « pullo ». Le nom tire sa racine du vocable « fullude » qui signifie couvrir de poussière. Ils comptent près de six millions de personnes dispersés dans la savane de l’est à l’ouest sur une longueur d’environ six mille km.

Les français les désignent par le nom de Peulh, les Allemands par Full, les Haoussas et les anglais par le nom Fulani, les arabes par le mot Fellata. Les Djolofs et les Sérères par le vocable Tukulor. Les Bambaras du Mali les nomment Fulakenin « petit bonhomme » ou Peul, gringalet. En retour, les peulhs désignent les bambaras par l’expression « tan demoru » qui signifie « fils de chimpanzé », reflétant des liens de parenté à plaisanterie établies depuis des siècles pour divertir et organisé les relations sociales entre des communautés distinctes.  Peulhs et Bambara se décrivent dans des termes qui font appel à des images puisées dans leur environnement respectif.

Les origines    

Il existe une multitude de version sur l’origine des peulhs, vers 1400 av. J.C, les peulhs se sédentarisent pour fonder des pouvoirs politiques et militaires. Pratiquant le culte des bovidés fondés sur une divination des animaux, le peuple peulh ou « Pulaaku » est constitué de 4 grandes tribus subdivisées en sous-groupes :

La tribu Diallo subdivisé en Dial, Ka, Kane, Soufountera

La tribu Bâ subdivisé en Ball, Bache, Bakh, Baldé, Nuba, M’Baké, Diaguité, Diagayété, Boly.

La tribu Sidibé subdivisé en So

La tribu Sangaré subdivisé en Bary.

Ils ont fondé des empires et des royaumes solidement organisés dans leur armature économique et politique. La sédentarisation leur a fait perdre la pureté culturelle en s’enrichissant au gré de contact de nouvelles traditions.

Cet ainsi qu’ils bâtirent des royaumes prospèrent au Fouta Djallon, au Macina, au Bakhounou, dans le Djilgodji, au Liptako, au Nigéria, au Cameroun.

Les ancêtres des Peuls

Quand on parle des ancêtres des peuls, on ne peut que rapporter des mythes et des légendes historiques. Certaines font venir leurs ancêtres du Yemen, d’Egypte et de Tor. Ils nomadisent pendant des siècles, divisés en groupes d’éleveurs : Les Na’inkobee désignant ceux qui élèvent les bovidés. Ils eurent comme animal sacré un taureau. Les Baalinkobee qui n’élèvent que des ovins avec comme animal sacré un bélier. Et les Be’inkoobe qui n’élèvent que les caprins, ayant comme animal sacré le bouc.

Selon une légende, les peulhs auraient habité un pays florissant, riche et prospère, dont la ville la plus importante s’appelait « Yooyo ». Des malappris violèrent un jour la coutume. Geno, le Dieu du panthéon Peulh se fâcha et maudit le pays.  Les beaux pâturages se transformèrent en brins secs. Les mares devinrent des marécages bourbeux, et les cours d’eau tarirent. Les peulhs fuirent vers des régions plus clémentes. Mais depuis, consciemment ou inconsciemment, les peulhs surtout les femmes, continuent à mentionner le nom de Yooyo, leur paradis perdu, dans les lamentations qu’ils poussent chaque fois qu’un malheur les frappe.   Pour ce faire, ils placent la main droite sur le front de manière à se couvrir les yeux ou ils posent les deux mains sur le sommet du crâne et poussent le cri rituel « yooyo ! Yooyo mi boni ! qu’on peut traduire par O ! Yooyo, je suis abîmé.

Un des ancêtres des peuls connus est « bu toorin ». Il serait descendant d’un personnage important d’une fraction de sémites qui, au lieu de rejoindre la Palestine au moment du retour des enfants d’Israël sous la conduite de Moussa, se serait enfoncés dans l’Afrique noire. J.L. Monod fixe l’évènement en 370 avant l’ère chrétienne.

Bu Toorin engendra six garçons :

1-helleere, 2-Mangay, 3-Sorfoy, 4-Eli Bana, 5-Agna, 6-Tooli-Maga.

Les bœufs  

Les peulhs classent les bêtes en trois (3) grands groupes pour respecter la triade traditionnelle sacrée.

1-les domestiques

2-les ondins sauvages

3-les terriens sauvages.

Les bovidés sont répartis selon leur couleur, il y a la blanche, la noire, la jaune, et la rouge. Ces 4 robes se combinent et donnent 16 variantes. En plus, il y a une correspondance rituelle entre les tribus peulhs et les robes. Les Diallo sacrifient et officient quand c’est la robe blanche qui apparait en thème géomantique, ce sont les Bâ quand c’est la robe noire. Le tour passe aux Sidibé lorsque la robe manifestée est jaune et aux Sangaré quand elle est rouge.

L’homme

Le peulh a une taille moyenne de 1m 70. Ses membres sont plutôt grêles, sa peau est cuivrée et parfois claire, comme elle peut être foncée selon le degré de métissage. Chez la femme, la chevelure est très fournie et très noire, ses attaches sont fines, les yeux clairs, et l’arcature des sourcils régulière.

La famille

La famille est très étendue chez les peulhs, composé d’un groupe de personnes unies par un lien de sang ou ayant sucé le même lait et unies également par un cheptel portant le nom de « na’i’ » bétail ou « jawle » la richesse. Le hoggo ou parc à bétail devient par extension la famille.

L’initiation

L’initiation aux choses pastorales se divise en trois « 3 » gardes à savoir ;

Le grade du bouc -grade mineur

Le grade du bélier -grade moyen

Le grade taureau-grade majeur

Chaque grade compte onze degrés et l’ensemble forme 33 échelons dont le secret est scellé dans les 33 phonèmes qui constituent le squelette du parler peul. Trois (3) acteurs participent au processus d’initiation : le Gando, le Silatigui et le Mbilejo. Maitres de la parole sacrée, détenteur de la magie du verbe à l’origine de toute création.

La langue

La langue peulh est une des plus riches et plus musicales qui soient en Afrique noire. Son alphabet se compose de vingt sept lettres dont cinq voyelles. Chaque voyelle peut être longue ou brève.

Littérature et musique  

La musique peulh est pauvre en instruments. Ils ont la petite guitare à une corde « mpolaaru », la grande guitare à quatre ou cinq cordes « hoddu », la flûte « sereendu », l’arc monocorde « baylol » qui se joue à l’aide de la bouche, le pipeau « poopiliwal » fait avec un roseau, le tam tam d’eau « bumbutu », une grande calebasse remplie d’eau sur laquelle on renverse une calebasse plus petite et sur laquelle on bat la mesure avec deux baguettes.

L’instrument de base de la musique chez les peuls reste la voix humaine et les mains qu’on bat l’une dans l’autre selon le rythme qu’on désire obtenir. Il y a le pas lent et langoureux de la danse dite « Narkal », l’allure saccadée, étroite ou large « Danku ». Il y a la pirouette « Weeya », le bond de la panthère « Ndobu », la contorsion du cyclone « Duluuru » et celle du mâle qui sollicite sa femelle « kubugol ngora ». Il y a la ruade de la femelle rétive ou froide « Pittyal ndewa ». Il y a la grimace du désespoir « Nnebal baaydo ». Il y a les cris doux du transport ou le vacarme de la catastrophe. Les poétes Waridiasi et Segeji sont les plus piquants des chansonniers peuls. Les chants bucooliques en peul « Nayinkoji » sont une des plus abondantes de la production peule. Ils se rencontrent partout avec cette originalité.

On distingue trois (3) parties dans la parole, une triade qui devient une obsession chez les peuls. Ce sont « wolide, in’nde, golle » qui correspondent respectivement au mot, au nom, et à l’action. Ils organisent la langue autour de sept pronoms personnels

1- « Mi » ou celui qui parle

2- « A » ou celui à qui on parle

3- « O » ou celui de qui on parle

4- « Min » ou celui qui parle au nom d’un groupe dont il fait partie et qui exclut celui ou ceux à qui il parle

5- « En » ou celui qui parle au nom d’un groupe dont il fait partie et qui y inclut celui ou ceux à qui on parle,

6- « On » ou ceux à qui on parle,

7- « Be » ou ceux de qui on parle.

Les foulbés du Mali et de leur culture, Par Ahmadou Hampaté Bah, Abbia, revue culturelle camerounaise, 1966

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